Retards de paiement : les entreprises françaises allongent leurs délais pour préserver leur trésorerie

Quand la conjoncture économique se tend, les mauvaises habitudes refont surface. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec les retards de paiement entre entreprises, un fléau bien connu en France.

Selon l’Observatoire des délais de paiement de la Banque de France, les retards moyens ont augmenté d’un jour en seulement un an, passant de 12,6 jours fin 2023 à 13,6 jours au quatrième trimestre 2024. Cela peut sembler anecdotique, mais sur une économie entière, ce glissement représente des milliards immobilisés et des trésoreries fragilisées.

Des retards qui explosent quand la conjoncture se dégrade

Pendant la crise du Covid, sous la pression de l’État et dans un climat d’urgence, les entreprises avaient amélioré leur discipline en payant plus vite leurs fournisseurs. Mais cette bonne volonté s’est évaporée dès que la reprise a commencé à se heurter à une conjoncture dégradée.

Le rapport de la Banque de France est clair : « Quand la conjoncture se tend, quand l’incertitude s’installe, certaines entreprises retardent volontairement et fortement leurs paiements ». En clair, ce n’est pas un accident, mais une stratégie assumée par de nombreuses sociétés.

Les sanctions administratives se multiplient

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) surveille ce terrain de près. Entre janvier 2023 et juin 2023, elle a détecté des anomalies chez 40 % des entreprises contrôlées. Résultat : 228 sanctions infligées pour un montant total de 47 millions d’euros.

La loi française fixe un plafond clair : 60 jours maximum pour régler une facture, sauf exceptions contractuelles. En théorie, les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant atteindre 2 % du chiffre d’affaires. En pratique, malgré l’arsenal juridique, beaucoup de mauvais payeurs continuent de jouer la montre.

Une spirale négative pour les petites entreprises

Derrière ces retards, ce sont les PME et TPE qui trinquent. Les grands groupes, mieux armés financièrement, se permettent de différer leurs règlements, et ce sont les petits fournisseurs qui doivent encaisser le choc.

Denis Le Bossé, président du cabinet ARC, décrit une spirale dangereuse : « Retarder un paiement, c’est détruire la confiance ». Quand la trésorerie d’un sous-traitant fond comme neige au soleil à cause d’un simple décalage, c’est toute la chaîne de valeur qui se grippe.

Un entrepreneur témoigne : « Quand un gros client paie avec deux mois de retard, je ne peux pas relancer mes propres fournisseurs. Un délai de paiement, c’est un choc. Un retard, c’est un manque de respect. Pendant ce temps, ma trésorerie fond comme un glaçon au soleil ».

Un paradoxe français : plus riche on est, plus on retarde ses factures

Les données de l’Observatoire confirment ce paradoxe. Les entreprises les plus solides, celles qui publient de bons résultats et disposent de trésoreries confortables, sont aussi celles qui tardent le plus à payer. À l’inverse, les sociétés fragiles, souvent stigmatisées, s’efforcent de régler rapidement pour ne pas perdre la confiance de leurs partenaires.

Autrement dit, les champions du CAC 40, qui distribuent des dividendes massifs et affichent des résultats records, imposent leurs délais à toute la chaîne, pendant que les petites structures subissent.

Le rôle ambigu de l’État et de la DGCCRF

Officiellement, la DGCCRF veille et sanctionne. Mais dans les faits, beaucoup d’entreprises préfèrent prendre le risque d’une amende plutôt que de régler leurs fournisseurs dans les temps. Les sanctions, bien que significatives sur le papier (jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires), sont souvent relativisées par les entreprises concernées, surtout dans un contexte de trésorerie tendue.

Et l’État, qui devrait montrer l’exemple, n’est pas toujours irréprochable. Plusieurs rapports soulignent que les organismes publics eux-mêmes paient régulièrement en retard. Un comble.

Ce qu’il faut retenir pour les dirigeants et les épargnants

Le retour massif des retards de paiement révèle un double visage de l’économie française : d’un côté, des grandes entreprises qui protègent leur trésorerie en retardant leurs règlements, de l’autre, des PME fragilisées qui servent de variable d’ajustement.

Pour les dirigeants de petites structures, cela signifie qu’il est vital de sécuriser ses contrats, de diversifier ses clients, et de prévoir des marges de trésorerie suffisantes pour encaisser ces retards. Pour les particuliers et épargnants, c’est une nouvelle démonstration que la solidité affichée par les grands groupes cache souvent des pratiques prédatrices.

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