Litiges : pourquoi la médiation de la consommation ressemble trop souvent à un parcours du combattant

Quand un conflit avec une entreprise s’éternise, recourir à la médiation de la consommation paraît être une solution simple et rapide. En réalité, entre lenteurs administratives, mauvaise foi des professionnels et obstacles procéduraux, cette démarche gratuite vire fréquemment au calvaire.

Médiation de la consommation : une bonne idée sur le papier

En cas de litige persistant, la médiation de la consommation, totalement gratuite pour le particulier, offre en théorie une alternative au procès. Acceptée par les professionnels dans 70 % des cas selon la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC), elle enregistre une forte progression : près de 270 000 dossiers déposés en 2023, soit une hausse de 17 % par rapport à l’année précédente.

La procédure est encadrée par la loi, mais dans les faits, elle peut s’apparenter à un labyrinthe.

Un processus épuisant qui décourage les consommateurs

Le dépôt d’une demande de médiation exige de passer par un formulaire écrit détaillé. Dès cette étape, l’accumulation de pièces justificatives imposées par certains médiateurs peut faire abandonner les plus déterminés. Il faudra ainsi fournir systématiquement la copie de la réclamation écrite adressée au professionnel, sa réponse éventuelle, l’ensemble des échanges, mais aussi, selon les secteurs, des preuves supplémentaires : numéro d’avis d’infraction, photo du compteur dans le cas de l’énergie, ou copie intégrale du contrat contesté.

Un oubli ou un document incomplet suffit pour bloquer ou rejeter la demande, sans recours possible.

Pire, même quand le dossier est complet et accepté, les délais explosent. Alors que le médiateur est censé rendre son avis sous 90 jours, la durée moyenne réelle dépasse 117 jours en 2023. Certaines entreprises accentuent sciemment ce ralentissement en mettant un temps démesuré à transmettre les informations demandées.

Un résultat incertain malgré la patience

Après des mois d’attente, l’issue reste aléatoire. L’avis du médiateur, même favorable au consommateur, n’a pas de valeur contraignante. Rien n’oblige l’entreprise à s’y plier. Certaines grandes enseignes, notamment dans la banque et les transports, n’hésitent pas à ignorer les recommandations pour éviter d’indemniser.

À cela s’ajoute la stratégie de l’usure : exiger sans cesse de nouveaux documents, repousser l’instruction sous prétexte de « complexité », prolonger les délais en toute légalité… Autant de pratiques qui finissent par épuiser et décourager de nombreux consommateurs, surtout les plus fragiles ou âgés.

Le scandale discret de la résolution en ligne des litiges (RLL)

La plateforme européenne Résolution en ligne des litiges (RLL), mise en place en 2016 pour faciliter les recours transfrontaliers, fermera définitivement en juillet 2025. Officiellement, ce sont les coûts de maintenance jugés excessifs qui justifient l’arrêt. En réalité, son inefficacité est largement pointée du doigt.

Chaque année, près de 2000 dossiers français y transitaient. Pourtant, des géants comme Amazon, Fnac, Vinted ou Airbnb s’y contentaient de recevoir les plaintes… sans jamais y répondre. En 2020, plus de 17 000 réclamations européennes sont passées par la plateforme pour un résultat proche de zéro dans de nombreux cas.

Ce n’était qu’une façade pour donner l’illusion d’un recours amiable, sans aucune obligation légale d’apporter une réponse concrète.

Quand le médiateur est tout simplement absent

La loi impose à tout professionnel d’indiquer clairement sur son site internet les coordonnées de son médiateur de la consommation. En pratique, l’infraction est massive. De grandes compagnies comme Booking ne respectent pas cette obligation en France. Idem pour certaines compagnies aériennes comme Vueling ou Wizz Air.

Parmi les artisans et commerçants, l’ignorance de la loi est encore plus flagrante. L’amende de 15 000 euros prévue par le code de la consommation n’effraie manifestement personne, et les rappels à la loi restent sans effet dans la majorité des cas.

Que faire en cas de refus de médiation ?

Lorsque la médiation échoue, soit parce que l’entreprise refuse de s’y plier, soit parce que le médiateur déclare l’impossibilité de trouver un accord, il ne reste qu’une voie : engager une action en justice.
Pour limiter les coûts, il est recommandé de solliciter gratuitement un conciliateur de justice ou un point-justice, accessible dans de nombreux tribunaux. Attention cependant : dans les affaires impliquant certaines professions libérales (architectes, notaires, avocats, vétérinaires), l’accès à la médiation est parfois encore plus complexe, et leur refus est fréquent.

Voir aussi Comment saisir la justice sans frais et sans avocat pour des litiges inférieurs à 10000 euros

Le financement des médiations est-il adapté ?

Aujourd’hui, la faiblesse des moyens alloués aux médiateurs pèse lourdement sur la qualité du traitement. Quand les médiateurs croulent sous les dossiers sans moyens suffisants, les délais explosent et les médiations perdent en efficacité.

Dans les secteurs à forte sollicitation, comme l’énergie ou les transports aériens, les retards sont devenus la norme.

Améliorer la médiation : un impératif urgent

Pour rendre la médiation réellement utile au consommateur, il faudrait imposer :

  • La réduction drastique des délais, avec des sanctions financières en cas de retard ;
  • La simplification des démarches, aujourd’hui inutilement lourdes et piégeuses ;
  • L’obligation de publication visible du lien vers le médiateur sur tous les sites professionnels ;
  • L’augmentation du financement des dispositifs pour recruter plus de médiateurs et éviter l’engorgement.

Tant que ces mesures ne seront pas appliquées, la médiation de la consommation restera pour beaucoup un faux espoir plutôt qu’une solution réelle.

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